Dans un article paru le 27 janvier, l’Huffington Post revenait sur les chiffres du chômage publiés par le ministère du travail. Le nombre de demandeur·ses d’emploi en catégorie A a augmenté de 3,9%  au quatrième trimestre 2024 par rapport au troisième trimestre. La plus forte hausse depuis 10 ans, à l’exception de la période du COVID.

Ces chiffres s’accompagnent également d’une dégradation de la santé au travail. Un salarié sur quatre se déclare en mauvaise santé mentale, selon une étude Ipsos, relayée par Le Figaro le 23 janvier. Le manque de confiance dans l’avenir serait « le principal facteur ». Cette dégradation de la santé mentale à  «un impact fort sur la capacité de concentration, l’engagement et l’énergie au travail» et la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps) jugent qu’il est «urgent» de renforcer la prévention dans les entreprises. Dans ce contexte d’emploi difficile, quelles sont les initiatives mises en place par les entreprises pour améliorer les conditions de travail des salarié·es ?

Le télétravail, une solution miracle ?

Le télétravail est souvent mis en avant comme étant un moyen de diminuer la fatigue, de permettre une meilleure conciliation vie professionnelle/vie privée, mais ce nouveau mode de travail n’a pas que des effets bénéfiques. Dans un article publié le 20 janvier 2025, dans The Conversation, Henri Bergeron1, Sophie Louey2 et Cécile Thomé 3 sont revenus sur les effets négatifs du télétravail sur le collectif de travail. Il·elles observent la hausse de productivité, lié au télétravail, sont surtout dans des entreprises où « le développement du télétravail vient compenser une dégradation des conditions de travail sur site, notamment due aux réaménagements en « flex office », ce qui conduit à l’augmentation de certaines nuisances (bruit ambiant, difficulté à trouver une place, interruptions fréquentes d’activités, etc.). »

De plus, lorsque les personnes ont besoin de communiquer entre elles (en matière d’informations, d’expertises, de contributions techniques, de capital social…) alors le télétravail peut conduire à vivre certaines difficultés. L’encadrement des équipes à distance peut être aussi une difficulté pour les manager de proximité, sans être trop intrusif et en conciliant les pratiques de télétravail des personnes qu’ils encadrent avec les leur. 

Ainsi dans un article paru également le 20 janvier dans The Conversation, René Bancarel4, nous invite à apprendre à bien télétravailler. Pour lui, les salarié·es doivent réaliser des apprentissages à trois niveaux (individuel, au sein de l’équipe et avec le manager), afin de devenir plus autonome : 

  • Individuel : la croyance qu’un individu a en ses capacités à réussir à travailler seul à son domicile, sans se laisser distraire et avec efficacité
  • Au sein de l’équipe : Le salarié·es doit veiller à maintenir, voire à renforcer, une proximité psychologique afin de conserver une distance fonctionnelle acceptable
  • Avec les manager : mise à disposition des outils adéquats, de la formation des collaborateurs à leur utilisation, mais également d’un discours bienveillant à l’égard du télétravail, d’un encouragement à l’innovation en termes de méthodes de travail et d’un soutien apporté aux managers et à leurs équipes. L’apprentissage de l’autonomie nécessite la construction d’un environnement « capacitant ».

Des espaces de travail plus collaboratifs

Au micro du podcast Décryptage de Workplace Magazine, mis en ligne le 22 janvier, Charlotte Mathelier5, rappelle que le télétravail reste un critère de choix pour les salarié·es et que cette pratique s’accompagne souvent d’une réorganisation d’espaces de travail.

Dans la dernière étude du buzzy ratio, le taux de présence au bureau en 2023, était de 60%. Ainsi pour faire face à l’inflation des prix de l’énergie et de l’immobilier, les entreprises réduisent leur surface de bureaux. Ces derniers sont aménagés avec plus d’espace collaboratifs et flexibles (soit une augmentation des surfaces de 8%), pour favoriser les échange entre les salarié·es sur site, et une diminution des postes individuels et de restauration. 

Pour que ces nouveaux espaces de travail soit attractifs et donnent envi aux salarié·es de venir travailler, Studio Alliance préconise de respecter 5 critères : 

  • Favoriser la flexibilité des bureaux en proposant des espaces adaptés à des besoins variés (zones calmes, collaboration) et laisser aux employés le choix de leur environnement. 
  • Équiper les espaces d’outils modernes pour la communication et la collaboration 
  • Prioriser le bien-être avec l’aménagement d’espaces confortables (mobilier ergonomique, lumière naturelle, plantes). 
  • Aménager les espaces de travail pour favoriser les interactions sociales et un sentiment d’appartenance.  
  • Adapter les espaces aux attentes des différentes générations. 

Aménager les espaces de travail selon ces critères pourrait permettre, selon Studio Alliance, de créer des lieux inspirants et motivants, répondant aux attentes des employés et stimulant leur engagement.

La semaine de 4 jours et l’intensité du travail

Une autre piste souvent évoquée pour améliorer les conditions de travail des salarié·es est le passage de la semaine à 4 jours (en semaine de 35h ou de 32h), ce qui leur permettrait d’avoir un jour de plus pour se reposer. Cependant, Pauline Grimaud6 revient dans un article de The conversation paru, le 16 décembre 2024, sur les résultats d’une enquête qu’elle a mené sur ce dispositif. A partir de l’analyse de 150 accords signés en 2023, elle montre que la semaine de 4 jours entraîne paradoxalement une intensification du travail.

Dans 9 cas sur 10, la semaine de 4 jours se fait sans réduction du temps de travail et aucun des accords étudiés n’évoque une éventuelle baisse de la charge de travail. Au contraire, la plupart d’entre eux mentionnent que la charge de travail restera identique avec la semaine de quatre jours. Ainsi même dans les rares cas où les salarié·es sont amenés à travailler 32h, la semaine de 4 jours implique une intensification du (rythme de) travail sur les heures travaillées.

De plus, la mise en place d’une semaine de 32h est accordée comme compensation au personnes non éligibles au télétravail ou soit comme un substitut partiel au télétravail, puisque l’adoption de la semaine de quatre jours s’accompagne d’une baisse (voire d’une suppression) du nombre de jours télétravaillés.

Dans les faits, Pauline Grimaud analyse que la semaine de 4 jours consiste en un instrument de flexibilisation du temps de travail en fonction des besoins de l’entreprise : 

  • avec par exemple, des semaines de 4 jours à 32 heures suivies de semaines de 5 ou 6 jours à 40 heures ou plus
  • Dans le cas où la semaine de 4 jours, sur 6 ou 7 jours (concerne 16 % des textes), cela permet pour les entreprises « d’augmenter l’amplitude journalière et de faciliter ainsi la mise en place de longues journées de travail ». Ainsi ce dispositif permet surtout de faire « accepter aux salariés des contraintes temporelles fortes ».

En ce sens, la semaine de quatre jours est surtout un moyen d’échapper au travail  « pressé ». Or, avec l’allongement de la journée de travail et/ou l’intensification du travail qu’elle implique, elle ne permet pas forcément une meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle. Il peut même entraîner une dégradation du travail, augmentant d’autant plus les aspirations à mettre à distance celui-ci.

On peut donc se questionner sur la viabilité de la semaine de 4 jours, alors que la DARES vient de publier les données sur le nombre d’heures supplémentaires travaillées en 2024, le 13 janvier 2025. Au 3e trimestre 2024, le nombre moyen d’heures supplémentaires par salarié est de 17 heures. Ce sont les entreprises entre 10 à 19 salariés et celles des secteurs de la construction, des transports-entreposage et de l’hébergement-restauration qui ont le plus recours aux heures supplémentaires (entre 25,6 et 30,9 heures par salarié à temps complet). Même si les heures supplémentaires se stabilisent par rapport à l’an dernier, la tendance est à en hausse depuis 2020. Dans ce contexte, les différentes initiatives, sur lesquelles nous venons de revenir, doivent donc s’accompagner d’autres dispositifs pour améliorer les conditions de travail.

1 Directeur de recherche au CNRS, sociologue au CSO (Centre de sociologie des organisations), Sciences Po
2Sociologue chercheuse à Sciences Po Paris, Sciences Po
3Docteure en sociologie, post-doctorante au Labex SMS, LISST-CERS, Université de Toulouse Jean Jaurès.
4Docteur en Sciences de Gestion et du Management, directeur des études et enseignant à Efrei Paris Panthéon Assas Université, EFREI
5 Chargée d’études et prospectives à l’IDET
6 Maîtresse de conférences, Université de Tours

Waitack - Alexandre Butin

Alexandre Butin,

Consultant chercheur

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