Où en est la lutte contre les discriminations dans les entreprises ?

Le mois dernier à eu lieu la journée internationale des droits des femmes, à cette occasion, je souhaite revenir, dans cette première partie de la veille de Waitack sur l’actualité portant sur les enjeux de diversité et de lutte contre les discriminations dans le travail.

C’est donc au cours de ce mois de mars que la Dares a publié (le 1 mars), les résultats de l’index de l’égalité professionnelle pour l’année 2024. Pour rappel, cet indicateur évalue les inégalités salariales (la rémunération, les promotions, les augmentations, la présence des femmes parmi les plus hauts salaires et le retour de congé maternité) entre les femmes et les hommes dans les entreprises. Depuis 2019, la note moyenne a progressé de 3,6 points, atteignant 88/100 en 2024. La rémunération reste le principal levier pour lutter contre ces inégalités. Dans 60 % des structures, l’indicateur sur les rémunérations évoluent dans  le même sens que la note l’index.

Des inégalités qui persistent

Ces résultats restent à nuancer, dans une publication de l’ANACT – « Les inégalités femme- hommes sont aujourd’hui enracinées dans les organisations du travail » – Florence Chappert 1 et Karine Babule 2, de la Mission Egalité de l’Anact, reviennent sur les causes de persistance des inégalités. Aujourd’hui, les écarts de salaire entre hommes et femmes ne sont principalement plus dus à des discriminations directes, mais plutôt à des facteurs structurels, comme la reconnaissance du travail, où les métiers majoritairement féminins sont sous-valorisés. De plus, ces inégalités sont également accentuées avec des horaires et des cadences souvent inadaptés aux contraintes des femmes.

Florence Chappert et Karine Babule notent également que les conditions de travail et la santé au travail sont peu prises en compte dans les démarches d’égalité professionnelle, alors que les femmes y sont plus exposées.

Ainsi pour lutter contre cette persistance des inégalités femmes- hommes, l’équipe de la mission Egalité de l’ANACT préconise :

  • une revalorisation des métiers féminins : La Directive européenne sur la transparence salariale (2026) impose une meilleure prise en compte des compétences et conditions de travail, renforçant ainsi le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ».
  • la mise en place des mesures d’équité adaptées : Intégration des contraintes spécifiques aux femmes (monoparentalité, santé reproductive, violences domestiques) pour éviter qu’elles ne pénalisent leur carrière.
  • l’amélioration des conditions de travail : Réduction du port de charges, assouplissement des horaires, droit à la déconnexion et lutte contre le présentéisme numérique.

Le télétravail, un outil pour lutter contre les discriminations de genres ?

Pour Caroline Diard 3, le télétravail pourrait constituer également un moyen de réduire ces inégalités. Dans le cadre d’un article pour la revue Cadre, la chercheur en gestion revient sur une étude récente où elle analyse l’impact du télétravail sur les inégalités de genre en entreprise. Malgré des décennies de lois visant à améliorer l’égalité salariale, l’écart persiste : les femmes gagnent en moyenne 23,5 % de moins que les hommes dans le secteur privé, avec un écart de 4 % à poste et temps de travail équivalents.

La pandémie et la généralisation du télétravail ont également révélé des inégalités persistantes. À court terme, les femmes ont autant été touchées que les hommes par les pertes d’emploi, mais elles ont davantage dû interrompre leur activité pour s’occuper des enfants. De plus sur les conditions de travail à domicile, les femmes disposent moins souvent d’un espace dédié, ce qui complique leur organisation professionnelle.

Pourtant, dans une enquête collective sur les conditions de télétravail, à laquelle elle a participé, révèle des dynamiques paradoxales. Cette enquête a été menée en 2022, auprès de 200 télétravailleurs et montre que si les femmes restent désavantagées en entreprise, le télétravail a contribué à rééquilibrer la répartition des tâches domestiques et familiales. Ainsi, 16 % des hommes en télétravail déclarent s’occuper souvent de leurs enfants, contre seulement 8 % des femmes, tandis que 29 % des hommes et 28 % des femmes accomplissent des tâches ménagères en télétravail.

Comment réinventer nos espaces de travail avec le travail hybride ?

Si le télétravail et plus largement le travail hybride peuvent permettre de lutter contre des formes de discrimination dans le travail, ils transforment également en profondeur nos manières de travailler. Au Workspace Expo de cette année, Maryline Nguyen 4 était présente pour nous présenter les principaux résultats du baromètre Actineo 2025, sur l’évolution des pratiques de travail et de l’environnement de travail.

Le premier constat de l’étude est une transformation du paysage des bureaux. Aujourd’hui, les télétravailleurs sont amenés à travailler dans une variété d’espace de travail (café, restaurant, coworking, etc.) et tiennent à cette autonomie laissée par l’entreprise. Ainsi 49% des télétravailleur·ses se disent prêts à démissionner si on leur retire des jours de télétravail et 80% estiment que le télétravail est un critère d’attractivité. Ces nouvelles pratiques de travail ne sont pas sans conséquences sur le travail des managers, dont 41% déclarent éprouver de plus en plus de difficultés à construire un collectif de travail.

Concernant le rapport au travail, les enquêtés ont également un rapport plus distant avec le travail, 65% estiment qu’il·elles sont prèt·es à sacrifier leur vie professionnelle pour leur vie personnelle (chiffre en progression depuis 2020) et 43% disent travailler sans plus.

Nos espaces de travail se réinventent donc, avec 42% des télétravailleur·ses qui possèdent maintenant une pièce pour télétravail (soit +7 points par rapport à 2023) et les personnes sont en générale de mieux en mieux équipées. Les espaces de bureaux ne sont pas morts pour autant, ils restent des lieux privilégiés pour la socialisation entre collègues, 82% estiment être contents de revenir voir leur collègue. Les bureaux doivent donc se réinventer autour de la triptyque : concentration, convivialité et collaboration.

L’importance des services généraux dans nos espaces de travail de demain

Lors du même salon, Séverine Pilverdier 5, Lionel Emica 6 et Grégory Rouca 7 sont également revenus sur les défis auxquels seront confrontés nos environnements de travail. Pour rendre attractif les espaces de bureaux, il est nécessaire d’améliorer la qualité des services proposés, en proposant des accès aux salles de sports, à une conciergerie, à des évènements conviviaux selon la présidente de l’IDET.

Au sein de LVMH, cette qualité des services passe par un regroupement des différentes maisons au sein d’un même immeuble, où l’esprit de chaque maison a été conservé.  Ce regroupement des maisons a permis de mutualiser les services et d’offrir un cadre de travail plus agréable.

Dans la gestion des ces environnements de travail, l’intelligence artificielle peut être un outil permettant de faciliter le travail des directeur·rices et responsables environnement de travail, en les libérant des tâches répétitives afin qu’ils puissent se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée

Les bureaux de demain doivent être également esthétiques

Élément également important, pour favoriser le retour des salarié·es aux bureaux, est l’esthétisme des bureaux. C’était justement le sujet de l’émission Studio W de Workplace Magazine – Aménagement : faut-il (vraiment) rendre le bureau instagrammable  ? – où Marvyn Douard 8, Joël Larousse 9, Mathieu Lefranc10, Damien Perrot 11 étaient les invités de Bastien Cany 12

Lors de cette émission, Damien Perrot rappelle que la question de l’esthétisme n’est pas nouvelle, ce qui évolue ce sont les codes esthétiques. Il insiste ainsi sur l’importance d’intégrer dans les projets d’aménagement actuel, une réflexion sur l’esthétique des bureaux de demain.

Marvyn Douard souligne néanmoins que l’esthétisme tend à devenir un sujet à part entière d’un projet. Le lot signalétique est devenu aujourd’hui un lot appart qui regroupe à la fois la signalétique, l’enseigne, et le banding architectural des bureaux. Ainsi pour lui, l’esthétisme joue un rôle important dans les organisations du travail; il permet de créer un environnement de travail rassurant dans un monde du travail fait de contraintes.

Cela traduit pour Mathieu Lefranc, une évolution du rôle des bureaux dans l’organisation du travail, mais également sur un marché de l’immobilier financiarisé. Ainsi l’homogénéisation des formes des bureaux répond à un besoin de flexibilité des entreprises et des promoteurs immobiliers.

Enfin pour Joël Larousse, si les bureaux sont de plus en plus « instagrammable » et s’inspirent des codes de l’hôtellerie, c’est parce que dans un contexte post-covid, les bureaux doivent se réinventer pour proposer une expérience qui incite les salarié·es à quitter leur domicile.

Pour les quatres intervenants, l’aspect important autour de l’esthétisme des bureaux est qu’il doit être fonctionnel, c’est-à-dire répondre aux problématiques des organisations et des salarié·es amené·es à travailler dans ces espaces.

1 Responsable de la Mission Egalité de l’Anact
2 Chargée de la Mission Egalité de l’Anact
3 Professeur associé à TBS Education au département Département Management des Ressources Humaines et Droit des Affaires
4 Directrice d’Expertise Sociovision du groupe Ifop
5 Directrice immobilière à BNP Real Estate et Présidente de l’IDET
6   Directeur associé HENT Consulting 
7 Directeur Workplace Management LVMH
8 Directeur général de 3DS Groupe
9 Responsable des ressources à de la fondation USDT
10 Doctorant en sociologie à l’Université Paris 1 et architecte, chargé de projets Génie des Lieux by Watt
11 Directeur du design, des services techniques et de l’innovation (Accor)
12 Directeur de la rédaction à Workplace Magazine

Waitack - Alexandre Butin

Alexandre Butin,

Consultant chercheur

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