Il y a 5 ans maintenant se terminait le premier confinement. Depuis la crise sanitaire, nos modes de travail ont grandement évolué. Notamment avec le développement du télétravail. En 2021, le nombre d’accords d’entreprise concernant le télétravail à atteint son plus haut pic sur la période de 2019 à 2023, avec plus de 3 940 accords, selon une publication de la Dares, sorti le 17 avril 2025 et écrit par Antonin Favaro[1] et Conrad Thiounn[2].
Les secteurs où sont signés les plus d’accord et d’avenant, portant sur le télétravail, sont secteur de l’industrie (20,7 %) et le secteur de l’administration, l’enseignement, la santé et l’action sociale privée (soit 15,2% en 2021, mais atteint 17,6 % en 2023). À l’inverse, la part des activités financières et assurance baisse de moitié (10,4 % en 2023 contre 20,5 % en 2017), cela s’explique par un fort développement de la pratique, avant le covid.
Le rythme hebdomadaire de télétravail par semaine a également évolué, avec une part d’accords limitant à un jour de télétravail de 51,3 % (2017) à 34,7 % (2023), tandis que ceux prévoyant deux jours augmentent à 47,1 %, contre 40,4% en 2017.
Quels ont été les effets des ces évolutions sur nos conditions de travail et nos manières d’occuper les bureaux ?
Le télétravail, un avantage mais pas sans risque pour la santé des travail
Le télétravail est apprécié par les salarié·es pour l’autonomie qu’il offre, la réduction des trajets et une meilleure conciliation des temps de vie, mais cette pratique de travail comporte néanmoins des risques psychosociaux notables. Une autre publication de la Dares écrite par Louis-Alexandre Erb[3], publiée le 27 mars 2025, identifie trois grandes familles de risques : la distanciation sociale, l’intensification du travail et la difficile articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
- La distanciation sociale : Le télétravail crée une distance physiquement entre les salariés et avec leur hiérarchie. Cette distance peut engendrer un sentiment d’isolement et des difficultés de cohésion dans le travail des équipes (réduction des interactions informelles essentielles, difficulté dans le partage d’informations et encadrement managérial plus compliqué). Le travail de représentation du personnel se voit également impacté par le télétravail, il devient plus difficile de percevoir les tensions ou besoins individuels.
- L’intensification du travail : Si les salarié·es sont généralement plus concentrés en télétravail, certains subissent un allongement de leurs journées, ou sont amenés à travailler à des horaires décalés. Il·elles subissent aussi une pression accrue par la mise en place de dispositifs prescriptifs pour mesurer leur efficacité. L’hyperconnectivité – sollicitations constantes par e-mail ou messagerie – constitue une source de surcharge mentale.
- L’articulation difficile entre vie professionnelle et personnelle : Bien que le télétravail facilite la gestion du quotidien, il brouille les frontières entre les temps de travail et de repos. Les femmes, notamment les mères, sont les plus exposées à une double charge : professionnelle et domestique. Elles cumulent souvent les tâches ménagères, la garde des enfants et leur travail salarial, avec peu de temps de récupération. Ce déséquilibre accentue le stress et la fatigue mentale, et risque de renforcer les inégalités de genre.
Une opportunité dans la stratégie immobilière des entreprises
Malgré que le télétravail nécessite une vigilance accrue de la part des employeurs et des politiques publiques pour prévenir ses effets délétères sur la santé des salarié·es, il constitue une opportunité pour l’entreprise. Il permet notamment la mise en place de nouvelle stratégie immobilière. C’est ce que montre la 3ᵉ édition du Baromètre des implantations Tertiaires, sortie le 8 avril 2025. L’enquête, réalisée par l’Association des Directeur·trices immobiliers (ADI) et EY, a été menée auprès de 282 dirigeants. Le baromètre mesure une baisse des implantations tertiaires : 1 287 projets en 2023 et 1 203 en 2024, contre 1 521 en 2022. Ce ralentissement s’explique par plusieurs facteurs : inflation, hausse des taux, croissance atone, télétravail généralisé et adoption massive du flex-office (70 % des entreprises).
50 % des enquêtés déclarent vouloir réduire leurs surfaces de bureaux dans les prochaines années. Cette tendance s’accompagne d’une réorganisation des espaces de travail : 69 % ont réaménagé leurs bureaux et 56 % ont renégocié leurs baux. Les dirigeants cherchent désormais à offrir des bureaux attractifs et conçus pour favoriser la collaboration et renforcer le sentiment d’appartenance.
Dans la stratégie d’implantation, l’enquête de l’ADI et EY analyse trois critères qui guident les décisions d’implantation :
- la proximité des transports (soit 82 % des enquêté·es),
- le coût au m² par collaborateur (45 %),
- et la qualité environnementale des bâtiments (36 %). Le bureau est aujourd’hui vu comme un outil stratégique RH et RSE, visant à attirer les talents, améliorer l’expérience collaborateur et favoriser la cohésion sociale.
Enfin, les entreprises souhaitent davantage de flexibilité locative : 60 % espèrent des conditions plus souples, et plus de la moitié sont prêtes à payer un loyer 10 % plus élevé pour plus de flexibilité.
L’IA dans l’aménagement du territoire
Ces nouvelles stratégies immobilières ne sont pas sans effet sur l’aménagement urbain et l’IA pourrait être un atout dans la construction des villes de demain. Cependant un article d’Etienne Riot[4], « IA et urbanisme : une question de libertés et de choix civiques», publié sur Urbanisme.fr, met en garde sur un usage technocentré de l’IA qui pourrait négliger les dimensions humaines et démocratiques de la ville.
Etienne Riot rappelle que les urbanistes utilisent déjà des outils basés sur l’IA pour générer des images, modéliser des phénomènes, cartographier des données et analyser des informations massives. Cependant, l’auteur met en garde contre les risques liés à une dissociation accrue entre la connaissance technique nécessaire à la formation de l’IA et la simplicité d’utilisation pour l’utilisateur final, qui peut ne pas comprendre les fondements de ces technologies.
L’article aborde également les biais inhérents à l’IA, notamment les inégalités de genre et géographiques. Il souligne que les données utilisées pour entraîner les algorithmes ne sont pas neutres et reflètent une certaine vision du monde, ce qui peut conduire à des aberrations dans les résultats générés.
Enfin, l’auteur appelle à une vigilance accrue des urbanistes pour assurer un développement équitable de l’IA, en reconnaissant son impact sociétal au-delà des aspects purement techniques. Il insiste sur la nécessité de former les professionnels de l’urbanisme pour qu’ils puissent comprendre et maîtriser les outils d’IA, tout en garantissant que ces technologies servent les intérêts des citoyens et respectent les principes démocratiques.
1 Chargé d’études statistiques à la Dares
2 Data scientist à la Dares
3 Chargé d’études à la Dares
4 Co-fondateur de ROCK – Research Office for City Knowledge et Chercheur en urbanisme

Alexandre Butin,
Consultant chercheur
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